L'ennui des après-midi sans fin - Gaël Faye


Un cimetière s'est formé entre NACO et moustiquaire

La névralgie d'un robinet c'est le bruit de ma rivière

Le vent danse dans les rideaux, le grelot de la tringle
Dehors grésille la radio de quelques voix que je distingue
Des oiseaux dans une volière, le kasuku fait du boucan

Si le frigo ne bourdonne guère c'est qu'il y a coupure de courant

Rayon de soleil en suspension, filaments de poussière dans l'air

Qui traversent le salon pour zébrer d'ombre et de lumière

A l'heure de la sieste, j'apprivoise le silence

Petit Prince d'ennui modeste entre mouton et somnolence
Dans la vieille maison de briques, de la Belgique sous les tropiques

A l'heure des choses statiques j'invente, je me fabrique

Petit garçon, genoux cagneux, il fait trop chaud sous mes cheveux
Nos jeux sont souvent poussiéreux sous un soleil de plomb teigneux
Les excursions chevaleresques, les fous rires, les pactes de sang

Copain ça compte, copain ça reste, copain c'est d'abord un mot d'enfant

Dans le ventre de la maison, les adultes en digestion

Et moi coincé dans mes questions, prisonnier d'une toile au plafond

Capharnaüm de la déco, les masques, les trophées, les geckos
Je joue au GI Joe dans le crâne d'un hippo
A l'intérieur il fait frais, le carrelage une mosaïque
Sur lequel mes voitures jouets dessinent des routes périphériques

Torpeur d'après-midi sous un ciel bleu paradis

Parade levée dans le taillis, 14 Juillet chez les fourmis

Dans mon jardin d'Eden y'a des serpents à tous les angles
Et faute de pomme Golden, je trahis Dieu avec des mangues
Toute l'année dans mon jardin je vis à ciel ouvert

Sous le Ficus je suis un nain, arbre temple, arbre univers

La citronnelle borde la rigole entourant la maison

La pluie s'abstient ou dégringole, les pizzas n'ont que deux saisons

Mais quand les trombes s'abattent, elles tambourinent le toit de tôle
Les bananiers deviennent frégates et l'eau cascade sur mes épaules

Une planche à voile sur le toit d'un combi Volkswagen

Des photos jaunies, le petit chien s'appelle Amstel

Pas de 4 heures, pas de goûter, pas de pâte à tartiner

Pas de chaîne, pas de télé, y'a que l'aquarium à regarder

Pas de parfum que l'on humecte, j'écris des lettres à une maman

A une absence, apprendre à faire avec, c'était apprendre à faire sans
C'était ma vie, c'était la vie, c'était le train-train quotidien
C'était l'ennui des après-midi sans fin...